Je pense, j’affirme, je déclare, que la véritable poésie c’est l’avenir incarné : une idée neuve de la vie contenue dans un langage issu d’une sensibilité en rapport avec une existence dont les cheminements libres se déploient aux rythmes d’une expressivité qui finit par l’émergence, à peine saisissable, d’un être fugace.
Si j’écris, irrégulièrement, des sciences de la nature ou des sciences humaines ou de quelque métier que ce soit de la survie, cela ne saurait que refléter la situation réelle du vivre. L’ouvrier ou le salarié modeste, le laissé-pour-compte ou le damné de la terre peinent à acquérir de quoi manger, de quoi boire, un lieu salubre où dormir, une place paisible, dans leur pays, où évoluer où s’épanouir.
Et, on survit comme on peut. On espère. On donne de la voix, séduit par un chant qui nous transporte, on dépasse, alors, la ronde routinière du quotidien; on danse de joie, oubliant les moments pesants chargés de contraintes ou les nuits blanches d’insomniaque pour cause de stress.
Les hommes suffisants, par intérêts égoïstes ou sectaires, emmurés dans de confortables chimères bien pensantes, ne sauraient de leur piédestal artificiel, préfabriqué, atteindre l’exigence de l’avenir, la voie authentique de la liberté, celle d’une citoyenneté épanouie pour tous, où chacun met à contribution son engagement productif, dans les limites de sa disponibilité, à préparer les temps à venir pour les générations futures.
Le travailleur intègre est tel ce poète qui engage sa parole soucieux de son environnement : meurtri, blessé dans son humanité, un mont de difficultés à surmonter, malheurs, doutes et désarroi profond le tourmentent : saura-il forger sa détermination de résister à l’injustice, à la guerre, à la misère, à la désolation, à cette houle déferlante, à cet ouragan implacable, à ce feu ravageur, à ces constructions qui tombent en ruines ?...
L’humain se réalise, en nous, dans notre travail dans la réalisation de projets qui nous parlent des exigences des temps à venir.
L’élan poétique, intégré à toute entreprise, contient les signes potentiels d’un développement expressif accompli, créant des produits finis, utiles et vitaux aux hommes, des merveilles, des œuvres d’art de toute beauté.
Ma vie, dirais-je , semble aller à contre-courant d’un domaine d’activité spécifique, réservé, pris par mon élan passionné irrésistible d’expérimenter un sens critique qui remet en question tout confort limité à un domaine exclusif; en effet, comme l'ambiance d'un atelier ou d'un laboratoire, aussi isolée soit-elle, entretient des rapports vitaux avec le monde extérieur; aussi, j'estime que le contact direct avec la réalité du terrain est une condition nécessaire à l’accomplissement de tout acte verbal significatif. Et, je crois avec force: c’est l’engagement dans la réalité concrète qui m’amène à saisir les traits expressifs d’une création aux lignes épurées évoquant celles des roches cristallines, ou, à gagner les rythmes d’une musicalité enchanteresse des chutes d’eaux d’un âge lointain jusqu’ aux gisements vierges de pierres précieuses, diamants, joillaux étincelants à la forme parfaite, surgis de la longue action patiente du temps sur la matière carbonifère tansformée en source de richesses, à extraire, non sans effort.
Tout travail rigoureux porte dans son essence une dimension poétique : le fruit de demain naitra de la fleur bourgeonnante d’aujourd’hui, de celle de notre temps, de ses luttes, de ses espoirs, de ses acquis bienfaisants pour l’humanité, du développement du travail, de l’évolution des sciences pour la conquête des nouvelles vérités outillant les voies d’un devenir radieux pour les hommes.
La condition de vie réelle quotidienne actuelle divise les hommes de métiers, sépare l’ouvrier de l’homme de lettres, l’éboueur de l’ingénieur …
Le décalage tragique dans notre existence se situe là : il relève d’un certain état de fait accompli où la parole est séparée de l’acte qu’elle aurait dû engendrer dans un enchainement logique,cohérent.
La source poétique provient, également, de la marque d'une situation vécue ou perçue correspondant à l'état des rapports humains ou à celui des relations de travail lié à des compétences déterminées reflétant les degrés d'exigence des aspirations inhérentes à la société humaine d'une part et les conditions de préservation de la nature d'autre part.
La parole poétique est identifiée à cet ébranlement surprenant qui engendre un nouveau rapport entre le verbe et la chose, à travers la marque d’une sensibilité créative, qui porte les résonnances des temps à venir, sous-tendue par une liberté assumée, sur les traces d’un cheminement authentique rayonnant de l’activité de tout homme et de toute femme libres : en témoigne leur engagement, dans le feu de l’action, de vivre et d’aimer…Elle guidera les hommes et les femmes de demain, réellement dans leurs activités personnelles démultipliées et solidaires. Ils s’engouffreront dans la nuit-forêt vierge de l’inconnu et y mettront la lumière, en correspondance avec la ligne écrite de chaque destinée, dans l’accomplissement d’un plain chant assurant l’avenir sur la planète terre comme une espérance vivante, indéfectible, de l’être humain.
Fouad Boukhalfa
NB : Commentaires au sujet du texte-déclaration-commentaire
On aura observé que je discerne dans l’ensemble de l’écriture littéraire deux classes :
1/ Ecriture créative
2/ Ecriture intermédiaire ou commentaires
Aussi je n’ai pas encore tranché sur la classification de différents types d'écritures intermédiares : j’aborderai cette question au moment opportun.
Je rappelle, néanmoins, que le texte de création littéraire, dont j’ai établi les fondements (cf: "Un langage charnel de l'être"), est défini comme une écriture ouverte à la composition entre différents genres, poésie et prose, notamment.
*Retour au texte-déclaration-commentaire « Vision poétique passionnée » :
Je vous présente un texte, écrit il y a quarante ans, auquel j’ai apporté, toutefois, des changements et des corrections tout en ayant préservé, grosso modo, le corpus et le ton de la mouture originelle.
Deux modifications apportées au texte sont à souligner :
A/Première modification : la primordialité a été accordée à l’avenir (de l’humanité) plutôt qu’à la liberté, bien que celle-ci soit nécessaire; il n’en demeure pas moins que chacun définit la liberté à sa manière et y va de son opinion selon ses intérêts, et agit, confusément, en son nom, et, souvent, en affichant une incohérence criarde. On ne saurait brandir la liberté comme credo sans se placer dans une perspective globale de l’avenir du genre humain dans toutes ses diversités, sans la moindre exclusion.
« L’avenir »,qui s’est inscrit implicitement dans mon texte originel, est mis en exergue, cette fois-ci, il est défini comme « une idée neuve ». Aussi, par coïncidence, mon énonciation, sur un plan formel, se rapproche de la formule de Saint Just « le bonheur est une idée neuve en Europe » prononcée lors d’un discours en 1794 durant les premières années de la Révolution Française de1789, où il a été précisé, pourtant, qu’il s’agit d’un «bonheur commun à tous les hommes ».
Qu’en est-il, aujourd’hui, de ce "bonheur commun" lié au devenir de l'humanité ?
B/Deuxième modification : elle a été établie, d’une manière plus ou moins tranchée (A noter toutefois que reprendre mes brouillons anciens ou inédits me plonge, souvent dans un travail d’adaptation et de reconstitution des écrits, apparenté à une « génétique textuelle», assez prenant) où au départ il est souligné que le travail artistique et littéraire est lié au devenir de l’entreprise économique et aux organisations politiques, avec un avantage accordé à celles-ci , créant ainsi une polémique stérile en favorisant tel travail ,considéré comme prioritaire et efficace créateurs de richesses concrètes, par rapport à tel autre, lié à l’activité artistique, littéraire ou philosophique, vu comme abstrait ou de l’ordre de l’imaginaire, considéré comme secondaire..
J’ai corrigé le tir, en reprenant un passage, afin d’écarter cette vision étriquée et réductrice de la séparation grossière entre l’activité de l’esprit et le travail sur la matière concrète, ce décalage préconçu introduit entre condition d’être et vie commune en génétal. Car, en fait, les deux entités : l’art ( celui des neufs muses) et l’ économie (celle de l’industrie de la transformation de la matière), ne sont pas, seulement, intimement liées, ou dépendantes l’une de l’autre dans leur existence ; en fait, c’est plus que cela : il y a, entre les deux parties, un rapport d’équilibre vital ; en effet, c’est la place accordée à l’éducation et à la qualité de la formation, à la pensée, à culture et à l’art, qui détermine l’efficience et la cohérence d’une entreprise ou celle d’un domaine d’activité quels qu’ils soient. Par ailleurs, pour un artiste, un penseur, ou un homme de lettres, il ne suffit pas, d’assimiler, seulement, le patrimoine culturel et artistique, il faudra encore s’ouvrir aux réalités socio-économiques et se rapprocher des conditions de vie et de l’exercice des différents métiers de son temps afin d’assurer de nouvelles avancées dans le sens d’un progrès réel, au diapason d’une harmonie d’ensemble, aux rythmes essentiels d’un développement riche et sain pour tous.
Je ne dirais pas plus sur cette « vision poétique passionnée » et les lectures, notamment, qu’on aurait pu faire à son sujet et les prolongements, dont je n’avais pas conscience, au départ (J’y reviendrai, à un certain passage de mon essai, en préparation, « le temps phénoménologique: sur les traces d’un cheminement pensé »...)